Si je vous racontais…
Si je vous racontais le jour où j'ai "attrapé le soleil"…
A la suite d’une grande perte familiale, j’avais eu besoin de me retrouver quelque temps au calme. J’étais donc partie après l’enterrement, avec une soeur de maman et son mari pour passer quelques jours chez eux dans un village de l’Ardèche. Ils étaient très attentionnés à mon égard, respectant ma tristesse tout en étant toujours proches et attentifs.
J’appréciais tout particulièrement la compagnie de cet oncle et cette affection était bien réciproque.
Le jardin que cultivait mon oncle se situant sur un terrain pentu, des restanques le façonnaient sur plusieurs niveaux.
Chaque matin j’aimais suivre mon oncle qui partait biner ou butter ses planches de culture, déterrer ses pommes de terre, ramasser les petits radis que nous croquions ensemble dès leur sortie de terre.
Je m’asseyais sur le muret des restanques changeant de place au fur et à mesure de l’avancement des travaux de mon oncle.
Mon oncle était un taiseux mais j’ai un souvenir merveilleux de nos échanges silencieux. Ceux-ci se faisaient par sa main qui me tendait un radis, une pomme dont il coupait des quartiers avec l’Opinel qu’il sortait de sa poche. Ce couteau ne le quittait jamais. Il l’avait comme un compagnon fidèle tant dans ses travaux que pour ses repas. Il en prenait le plus grand soin, le bichonnait, l’essuyait encore et encore, l’aiguisait et vérifiait son tranchant en passant son pouce sur le fil aussi coupant qu’un rasoir.
Je recevais et partageais ces morceaux d’amour en ressentant toute leur signification.
De temps à autre, cet espace de silence se fendait un bref instant pour quelques mots jetés par mon oncle sur la terre sèche, où sur l’heure de s’arrêter un instant pour se désaltérer.
Ma tante avait prévu une bouteille d’eau entourée d’un linge humide pour lui conserver sa fraîcheur. Il me montrait comment boire à la régalade sans poser ses lèvres sur le goulot. Je n’arrivais qu’à sentir couler un peu d’eau dans ma bouche mais beaucoup plus le long de mon menton !
Peut-être un certain plaisir à voir mon oncle sourire et m'expliquer encore et encore la bonne manière de boire, me poussait à ne pas réellement m'appliquer pour éviter ce ruissellement sur mes vêtements. Un autre instant de partage qui n'appartenait qu'à nous deux.
Je n’ai jamais réussi à boire ainsi lors de différents essais en Espagne avec le récipient adéquat, alors encore moins avec une simple bouteille, surtout si je voulais provoquer le plissement des yeux rieurs de mon oncle face à mon manque total de disposition pour cette façon de se désaltérer.
Jardin en restanques
C’est à la fin de l’une de ces journées que je ressentis de violents maux de tête accompagnés de nausées. J’étais brûlante et aussitôt mon oncle et ma tante en trouvèrent la cause : j’avais "attrapé le soleil" !!
Moi qui avais toujours été habituée au chaud soleil des côtes méditerranéennes sans jamais avoir de coups de soleil, me voilà avec "le soleil" suite à une matinée dans un jardin en Ardèche !!!
Il y a ainsi des bizarreries dans la vie qui nous surprennent.
J’avais toujours entendu parler de ce soleil qui rendait malade et qui pouvait être « enlevé » par certaines personnes. Et justement ma tante était l’une de ces personnes qui avait eu le passage de cette transmission d’"enlever le soleil".
Immédiatement elle me dit « je vais te l’enlever et tout ira mieux".
L’une de mes soeur ainsi que sa fille avaient eu elles aussi ce fameux « soleil » enlevé par la mère de mon beau-frère qui "avait le don" également, comme ma tante. Et cela avait été bénéfique à chaque fois même à distance. Dans beaucoup de familles, nous nous repassions ainsi le nom de telle ou telle personne qui « enlevait le soleil ».
Cette fois j’allais donc pouvoir le vérifier par moi même. Je dois avouer que j’acceptais surtout car j’aimais ma tante et ne voulais pas la vexer et aussi car j’avais vraiment très mal… alors pourquoi pas …
Me voilà assise face à un miroir (le miroir n’est pas nécessaire mais là elle voulait me montrer ce qui allait se passer). Et je pus vérifier ce que j'avais toujours entendu dire dans la famille.
Une serviette posée sur ma tête, ma tante renverse un verre d’eau sur la serviette. Le verre d’eau reste plein. Ma tante récite une prière… puis l’eau du verre se met à faire des bulles comme si on l'avait mise à bouillir sur le feu (!!) et une sensation de fraîcheur remplace la chaleur que je ressentais avant.
Quelle agréable sensation presque immédiatement.
Plus de fièvre, plus de mal de tête, plus de nausée… je n’ai plus rien !
Merci et pardon d’avoir douté tata !
Source intermittente de Vals-les-Bains
Peut-être connaissez-vous cette façon d’enlever « le soleil » .
Peut-être en avez-vous entendu parler et gardez un petit sourire moqueur envers ceux qui croient en ce remède de grand-mère.
Moi j’y crois ayant fait l’expérience d’une forte insolation. Pour cette première (et dernière) insolation j’ai eu la chance d’être en vacances chez la soeur de maman et d'avoir pu vivre ce moment. Ma tante est décédée sans avoir transmis sa prière à son tour. Plus personne dans la famille ne sait "enlever le soleil", cela s'est effacé comme beaucoup d'autres remèdes, gestes, coutumes, d'avant.
Depuis, je laisse sourire ceux qui tournent en dérision « cette pratique d’un autre temps ». A chacun d'avoir son idée. La mienne est ancrée dans ma mémoire comme une belle expérience d'amour avec ma tante et mon oncle.
A vous deux, Marie et Armand.
Photos du net
En tentant de remonter un peu dans le temps de « cet autre temps », j’ai retrouvé cette pratique dans des écrits qui parlent de ce don qui se transmettait, comme d’une légende !!!
Le mode opératoire est resté le même en dehors du verre qui semble avoir remplacé le « toupin » de l’époque.
Pour moi cela ne fait absolument pas partie des légendes, mais bien d'un bout d'histoire de ma famille.
Avez-vous vécu ce genre d'expérience ?