Ne te prives pas d'être heureux
Il a attendu avec moi les derniers rayons du soleil, le pliage des parasols et le rangement de la plage. Les verres ont été posés sur une chaise pour faire durer encore un peu le plaisir avant la fermeture jusqu'à une date inconnue…
Nous nous sommes dit au revoir avec l'espoir de nous retrouver avant la saison qui sait faire pousser ces jolis champignons de toile qui colorent les plages.
L'automne s'achemine vers des tons plus mordorés avant que les arbres ne tissent un tapis de feuilles craquantes sous nos pas. Leur manière de nous accompagner avec moins de nostalgies vers un automne calfeutré après un été lumineux.
Nous devons rentrer nous abriter de l'invisible qui nous menace, comme le pêcheur se protège d'un gros grain en filant vers son port.
Les gabians m'abandonnent pour suivre un prochain, bien plus prometteur.
Mais avant cela un couvre-feu avait été déclaré qui a pu nous permettre de passer encore de belles journées en famille avec des moments privilégiés.
Le plaqueminier me fait une dernière offrande de semi-liberté avec ses fruits juteux gorgés de sucre.
J'ai gardé cette part d'enfance en moi qui me fait les déguster sous l'arbre dès la cueillette.
On se récrie autour de moi, manger ainsi !! Moi, je laisse dire et savoure cette chair orange dont le jus coule entre mes doigts. Je sais que ceux que je mangerai plus tard avec une petite cuillère, n'aurons plus ce délicieux goût des souvenirs.
Plusieurs kilos de fruits seront récoltés par mon fils et mes petits fils pour ma seule consommation. Je suis l'une des rares personnes au sein de notre famille à aimer les kakis.
Heureusement la cueillette est ouverte aux amis qui apprécient ce fruit, mais la production des deux arbres est telle que tous les fruits ne peuvent être cueillis. Une fois les feuilles mortes, l'arbre gardera encore quelques fruits rouges qui nous ferons penser à une décoration de Noël.
Je fais également une deuxième récolte avec l'aide de l'un de mes petits-fils qui monte sur une échelle pour atteindre les olives noires, avant de nous rabattre sur les vertes bien plus nombreuses à cette période.
Cette fois nous nous arrêtons à 3 kgs car il y a la préparation et la mise en pots qui me demandera du travail avant de pouvoir les apprécier dans plusieurs semaines..
Encore un petit passage près de celle qui a toujours été ma plus fidèle amie d'aussi loin que je me souvienne.
La mer et moi n'avons pas le coeur à nous quitter. Chacune à sa façon dit au revoir.
Pour elle, de l'écume, de la houle, un vent d'Est qui se lève pour inonder ma plage d'été… et encore quelques photos pour moi
Sachons même en étant seul, garder une plage de rêve pour continuer à apprécier notre vie.
Seul sur notre île "Confinement" comme un naufragé, sachons garder la lumière et optimiser toutes les possibilités d'évasion.
Prenons les espaces de liberté qui nous sont laissés pour sortir, marcher, admirer la nature, verte ou bleue. Regardons notre ligne d'horizon devenue trop proche en aspirant cet air de liberté sans lequel nous ne pouvons vivre heureux.
Etre prudent, respecter les distanciations, éviter les enroits confinés alors que nous sommes confinés (!!) mais sans oublier de trouver un espace de liberté qui nous rend heureux.
Il y a toujours un espace de liberté qui nous traverse
Vis maintenant !
Risque-toi aujourd'hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d'être heureux !
Pablo NERUDA