Ma mémoire …
Ma mémoire ce matin ressent des sensations de brulures qui viennent piquer ma peau sous l'effet de mon soleil de naissance, comme des flashs qui m'aveuglent sous une lumière si vive que des larmes coulent sur mon visage.
Oui, elle se souvient de cette date et de ce grand précipice qui s'est ouvert en nous. Je revois le visage de mon père qui se fige, il ne veut pas nous affoler sans doute, il garde le silence mais son corps parle pour lui. Il s'est assis et semble abattu.
Maman d'un caractère moins calme, s'agite autour de lui et lui pose encore et encore cette question "qu'allons-nous devenir ?"
Et nous, les enfants, nous attendons que papa reprenne la parole après l'annonce qu'il vient de nous faire concernant cette signature qui s'est faite loin de nous …
Il se relèvera et nous discuterons tous ensemble sur ce que cela signifie pour nous.
Avec mon frère aîné plus tard, nous parlerons encore et encore de ce qui pouvait nous arriver, et aucune solution heureuse n'arrivait à se profiler.
Nous etions confrontés à la mort depuis plusieurs années et très jeunes, mais ce jour là elle se présentait à nous comme inéluctable.
""À midi sur les pentes à demi sableuses et couvertes d’héliotropes comme d’une écume qu’auraient laissée en se retirant les vagues furieuses des derniers jours, je regardais la mer qui, à cette heure, se soulevait à peine d’un mouvement épuisé et je rassasiais les deux soifs qu’on ne peut tromper longtemps sans que l’être se dessèche, je veux dire aimer et admirer "" Albert Camus