VIRAGE
Quels beaux souvenirs que votre bande de copains.
J'étais heureuse d'entendre vos rires en arrivant à la maison. Mon fils savait que ses invitations surprises recevaient toujours le meilleur accueil de ma part.
Improviser un repas de dernière minute pour votre bande d'amis, ne me posait aucun problème.
Vous étiez heureux et j'étais heureuse.
La maison vibrait de vos éclats de rire et de vos discussions sans fin. Puis sur l'idée de l'un d'entre vous, vous vous leviez et disparaissiez vers d'autres points de ralliemet. Mes joues rosissaient sous vos bises de remerciements pour être tout simplement une maman. Une maman qui ouvrait sa maison comme elle ouvrait son coeur.
Vous étiez tous jeunes, beaux et persuadés que votre avenir serait différent de ceux que vous précédiez.
Vous aviez l'insolence de vos vingt ans.
Vous vous donniez des frissons avec vos motos et vos courses sur les routes sinueuses de Provence. Le Circuit du Castellet vous attirait et vous retrouvait bien souvent le week-end.
Quelques années se sont ajoutées à vos vingt ans.
Vous avez fait chacun votre chemin en vous éparpillant un peu, mais toujours amis.
Certains d'entre vous ont réalisé leur projet, et toi l'ami aux rêves de papier glacé tu as réussi à faire la couverture des magazines.
Tu étais reconnu par la profession, tu étais demandé pour des séances photos un jour à Londres, un autre à Rome. Ta vie trépidante tu la partageais entre New-York et Paris, mais tu n'oubliais pas tes amis et tu revenais régulièrement chez toi au bord de la Méditerranée pour les retrouver.
C'est justement là, il y a cinq ans ce mois de septembre, que tu avais donné rendez-vous à la bande de copains pour vous réunir.
Vous êtes partis pour vivre votre passion la moto. Une balade en amitié comme toujours lorsque vous vous retrouvez, avec la même joie de piloter sur les petites routes du Sud.
Ce jour là, tu ne savais pas qu'un virage t'attendait sur la route ensoleillée de tes vacances.
Ta roue avant dérape dans le virage, tu glisses avec ta moto.
On le sait il y a toujours un arbre le long des routes et encore plus dans les virages. Il était là. Il a arrêté ta course pour toujours.
Tes amis ont tenté de te retenir, ils ont essayé de t'insuffler un peu de leur vie, ils voulaient te dire que c'était trop tôt pour les quitter, qu'il y avait encore tant de défilés et de pages de magazines qui t'attendaient.
Mais les secours t'ont enlevé à leurs bras.
C'était fini.
Toi l'ami de mon fils, en ce mois de fin d'été je revois ces belles journées et où vous aviez le monde dans vos mains et la beauté de vos vingt ans.
Mes pensées vont vers toi et tes parents qui ont fait apposer une plaque à ton nom sur le mur de ce petit cabanon au bord de la Grande Bleue. A chaque promenade dans cet endroit si paisible, je lis ton nom et t'envoie à mon tour ces baisers que tu déposais sur mes joues en riant.