Solitude
Un oiseau, peut-être descendu du Paradis, s'est posé sur une branche d'un arbre dénudé par les frimas de l'hiver.
Sous le pâle soleil de décembre, le plumage de l'oiseau avait des reflets d'argent piquetés d'éclats bleus déposés par le ciel hivernal qui ne rencontrait aucune difficulté à passer au travers des minces ramures.
Sous la douceur des caresses chaudes des rayons solaires, l'oiseau se mit à chanter et croyez-moi…. des fleurs se mirent à éclore au pied de l'arbre.
L'oiseau se lança dans des trilles de plus en plus joyeux et de jeunes feuilles apparurent sur les branches sèches de l'arbre qui s'apprêtait à mourir.
Un chant d'oiseau aussi pur et gai qu'un ciel bleu auréolé d'un cercle de feu de décembre et voilà qu'un vieil arbre desséché retrouve assez de vigueur pour faire remonter la sève qui le fait refleurir encore une fois !
Sans doute le prochain printemps était-il trop loin pour cet arbre abimé par de si nombreux hivers. Comment lutter contre le froid des jours sans le moindre murmure du vent dans ses feuilles, résister sans aucune protection contre le souffle glacé qui pénètre sa nudité. Comment combattre le gel des nuits lorsque la terre dans laquelle s'enfoncent ses racines est si aride que plus un brin d'herbe n'y pousse.
Cela faisait bien longtemps qu'aucun oiseau ne s'était posé sur son écorce craquelée, depuis combien d'années n'avait-il pas entendu le chant des enfants faisant une ronde autour de lui. Mais ce qui le desséchait le plus et lui faisait préférer la mort à cette triste solitude, ce sont les couples d'amoureux qui ne viennent plus le prendre comme témoin de leur amour. Il en a ressenti de ces coeurs gravés dans son écorce, et ne croyez pas que cela lui procurait de la souffrance, non bien au contraire même si parfois quelques larmes de sève coulaient suite à ces initiales ainsi gravées, ses larmes étaient sa façon de partager leur amour.
Depuis toutes ces promesses d'amour au milieu de coeurs sont presque effacées et aucun nouvel amour n'est venu lui confier ses espoirs.
Pourtant aujourd'hui un oiseau l'a choisi, lui, pour lancer son ode à la vie et lui donner un dernier printemps au milieu de l'hiver !
Il n'en doute plus, cet oiseau est bien un oiseau de paradis qui visite les vieux arbres noués, desséchés, abandonnés par ceux qui l'ont aimé au temps de sa jeunesse et de sa splendeur.
Il reverdit, refleurit et replante ses racines plus profondément dans cette terre qui lui donne une dernière vigueur. Il hume les senteurs de la terre humide et grasse qui à nouveau l'entoure, se saoule des différentes effluves des fleurs qu'il respire comme un renouveau de ces amours gravées autrefois et qui l'ont oublié depuis.
Il n'a pas de rancoeur, pas de regrets, aucun autre désir que de vivre pleinement ce moment. Il n'a pas été oublié par tous comme il le pensait, non, un coeur est venu se poser sur sa branche pour lui faire ressentir tant de joie qu'aujourd'hui il ressent, ce bonheur immense de se sentir vivant !
Pour son dernier hiver, le printemps a envoyé au travers de l'hiver un message de reconnaissance pour toute l'ombre bienfaisante qu'il a dispensée les jours de grande chaleur, les fruits juteux qui savaient si bien nourrir de leur douceur ceux qui en réclamaient, les fleurs qu'il partageait avec les amoureux secouant ses branches afin de leur offrir un lit de doux pétales pour accueillir leur amour.
Le printemps et l'hiver se sont donnés rendez-vous autour d'un vieil arbre solitaire et lui envoient un oiseau de Paradis pour lui dire simplement merci d'avoir existé !