Le joli mois de mai
Le joli mois de mai se termine.
Je ne pouvais le laisser partir sans le remercier une fois encore de ces nombreux (très nombreux !!) mois de mai qui ont ponctués ma vie.
Mon joli mois de mai bleu l'emportera toujours sur toutes les autres couleurs qui ont pu le perturber au cours de ces décennies.
Dès ma petite enfance le bleu fut ma couleur, quoi de plus normal pour un mois dédié à la Vierge représentée vêtue d'un manteau bleu… bleu azur, bleu divin.
Je vous raconte donc aujourd'hui la partie bleue, la part heureuse de mon joli mois de mai.
Avec toi papa, le joli mois de mai entra dans notre famille.
Tu ouvris les yeux sous le souffle chaud du milieu d'un mois de mai qui ressemblait plus à l'été qu'au printemps, troisième génération née sur cette terre qui accueillerait un peu plus de cinq mois plus tard un autre enfant qui su si bien parler de son pays, Albert Camus.
Grâce à toi papa, une nouvelle génération allait prendre racine sur cette terre puisque avec maman par cinq fois vous agrandirent la famille.
C'est ainsi que nous avons eu la chance de naître également sur cette terre si bien aimée et décrite par Camus et parcourire les mêmes lieux que lui.
Stèle en mémoire des Noces à Tipaza d'Albert Camus, essai écrit en 1939, sur laquelle est inscrit un extrait :
« Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure. Abert Camus ».
(en arrière plan le Mont Chénoua)
Merci Wikipedia
Après toi papa, ce fut mon frère aîné qui découvrit cette terre merveilleuse dans les premiers jours de mai. Le soleil avait déjà mis l'éclat de ses rayons dorés dans ses cheveux et le même ciel méditerranéen que toi papa dans ses yeux.
Moi, j'attendais déjà un autre mois de mai pour venir vous rejoindre et me perdre dans vos deux regards aussi bleu que l'azur lumineux de cette terre bénie des Dieux.
Ce qui fut fait quelques années plus tard…enfin j'arrivais au deuxième jour d'un nouveau mois de mai. J'avais pris le temps de bien te regarder mon frère et de t'aimer au point que lorsque j'arrivais ce 2 mai, j'avais pris le blond de tes cheveux, le ciel de tes yeux et une ressemblance qui ne s'arrêtait pas là.
Nous serions unis également tous trois dans cet amour que nous portions en nous pour notre pays natal qui continuerait à battre envers et contre tous et pour toujours.
"confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce cœur partout présent de la nature."
Vent à Djémila. Camus.
Je sais que vous voyagez tous les deux, au dessus de cette terre qui continue à vous émerveiller. Vous revisitez ces dunes de sable que tu nous as fait traverser papa, avec les incroyables découvertes des oasis et "de ces nuits sans mesures sous une pluie d'étoiles"
Car bien sûr je sais que vous n'êtes pas seuls, vous parlez avec Camus et vous pouvez admirer cet instant ou …
"Tout disparaît avec le soleil vert , une heure plus tard, les dunes ruissellent de lune."
J'aime vous imaginer dans ces lieux que nous avons tant aimés, avec ces journées inoubliables à plonger et pêcher dans les eaux chaudes de Tipaza et le souvenir du Tombeau de la Chrétienne qui pour mon jeune âge était sujet à une certaine appréhension.
Mais il y avait aussi ces pique-niques mémorables en famille à Sidi-Ferruch quand le soir nous ramenait exténués, les peaux au goût salé, gorgées de soleil, nos cheveux encore plus blonds aux mèches blanchies sous les caresses trop appuyées du soleil.
Comment est-ce que je le sais ?
Mais tout simplement parce que vous continuez à vivre dans mon coeur et mon coeur ressent toujours les mêmes émotions que j'ai vécues avec vous. Vous avez su me transmettre vos emportements pour les beautés qui s'étalaient sous nos yeux. Ne jamais se lasser de ces paysages si beaux, accepter de se laisser envahir des senteurs sauvages saturées de chaleur qui nous font traverser des mirages…
Alors en ce mois de mai qui ne ressemble pas à ceux que nous avons connus, il y a bien une chose qui est toujours là… c'est mon amour pour vous qui continue de vous faire vivre en moi, mais peut-être est-ce vous en fait, qui êtes toujours mes guides et continuez à m'apprendre à voir, ressentir, aimer.
"Car il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer."
Avec vous j'ai la chance d'avoir les deux. Je vous aime et vous m'aimez.
Sans doute grâce à cela que en ce mois de mai 2020, confinée puis en semi-liberté, au milieu d'un déversement de nouvelles alarmistes puis qui se contredisent chaque jour, ceux qui dépriment d'être obligés de rester chez eux et ceux qui refusent de reprendre le travail. Ceux qui pensent aux vacances et d'autres qui se demandent s'ils auront toujours un travail…
Oui, grâce à ces merveilles qui m'habitent, chaque matin sur ma modeste terrasse qui embaume le jasmin…
j'ai le bleu des iris qui éclaire mes yeux,
la puissance des effluves des jasmins mêlées au parfum citronnelle du géranium odorant
me fait tourner la tête,
un peu comme mes invités qui ne semblent jamais rassasiées. Elles délaissent mes géraniums aux grosses fleurs épanouies pour apprécier les insignifiantes floraisons de celui-ci.
le bougainvillée n'est pas en reste pour mettre du rose à ma journée…
Tout cela ne représente que quelques fleurs sur une simple terrasse pour la plupart des gens, mais pour moi chaque matin en prenant mon petit déjeuner savez-vous où je me trouve ?
Je suis là où…
"partout des bougainvillées rosat dépassent les murs des villas, dans les jardins des hibiscus au rouge pâle, une profusion de roses thé épaisses comme de la crème et de délicates bordures de longs iris bleu…"
Comment vouliez-vous que je stresse durant le confinement, pourquoi me morfondre et me plaindre alors que je vis au milieu d'une telle profusion d'amour et de beautés !
"Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible."
Je sais que cela peut apparaître pour la plupart des gens comme de simples pots de fleurs sur une terrasse ensoleillée, et il n'y a pas de quoi se sentir transportée.
Pourtant, moi je le suis. Car j'ai toujours su "qu'il y avait en moi un été invincible" grâce à vous.
Sans doute l'une des raisons, parmi d'autres, de me trouver "spéciale" par ceux qui ne ressentent pas toutes ces émotions qui traversent mon coeur. Je suis bien dans mon présent et j'aime vivre l'époque actuelle.
Je sais qu'hier n'était pas plus beau qu'aujourd'hui sur bien des points, je ne suis pas de ceux qui pensent que tout d'hier était mieux que tout aujourd'hui, non.
Mais je connais et aime mon passé.
Il est construit de périodes noires et d'autres magnifiques.
Je prends tout ce que la vie m'a donnée et à moi d'en faire ce que je veux.
Alors, puisque je ressens toutes ces vagues de petits bonheurs qui s'infiltrent en moi au moyen des parfums, des couleurs, de la brûlure du soleil, d'un ciel si pur… pourquoi lutter et refuser d'en profiter !
Il y a assez de matins d'hiver qui m'empêchent de m'évader dans mon jardin, pourquoi ne ferais-je pas comme ces abeilles qui profitent des floraisons offertes pour se gorger d'un nectar si doux qui me fait encore plus aimer le joli mois de mai.
Et lorsque j'aime, je prends le droit d'aimer sans mesure…
Trois anniversaires et un joli mois, voilà quatre bonnes raisons de revenir poser mes pas sur les traces que nous avons laissées…