(Deuxième) Si je vous racontais…
Si je vous racontais les nuits où je devais me cacher de la Lune…
Je vous ai déjà parlé du don de l’une de mes tantes maternelles concernant les méfaits du soleil. Sa capacité à soulager ceux qui avaient une insolation en leur « enlevant le soleil ».
Aujourd’hui je vais vous raconter une histoire qui a pour sujet un autre astre, celui de la nuit, la Lune.
Plus précisément nous parlons ici de la pleine Lune, celle qui traîne souvent dans son sillage un symbolisme lié aux ténèbres, à une nuit si obscure qui nous entraîne vers les enfers.
Cet astre de la nuit lorsqu’il apparait dans sa globalité a la particularité de provoquer autant de croyances négatives que positives.
Il y a longtemps, très longtemps il me semble aujourd’hui. Un temps passé qui reste marquant comme la plupart de nos souvenirs d’enfance. La Lune avait une incidence sur les nuits que nous passions chez ma grand-mère maternelle.
Nous étions habitués dès notre plus jeune âge au climat chaud de notre pays, qui nous faisait faire la sieste directement sur le carrelage de la maison. Nous tentions ainsi récupérer un peu de fraîcheur des pièces gardées dans la pénombre des persiennes fermées, qui ne laissaient filtrer que quelques étincelles d’un soleil en feu.
La nuit, nous retrouvions nos lits dans nos chambres aux fenêtres fermées cette fois par sécurité. Sécurité qui était dûe aux risques extérieurs, absolument pas en raison de la lune mais des humains.
Mais lorsque nous passions la nuit chez ma grand-mère la nuit était très différente. Son appartement bien trop petit ne pouvait nous accueillir pour dormir tous le même soir chez elle. Nous avions donc établi une sorte de roulement pour chacun de nous afin de rester chez mémé.
Mais certains soirs nous ne voulions pas nous séparer. Nous étions quatre avec mes soeurs et mon frère, le cinquième de la fratrie trop jeune restait avec nos parents, nous formions tout de même un groupe de cinq avec notre cousin, enfant unique que nous considérions comme faisant partie intégrante de notre fratrie. Pas une sortie, pas un jeu, pas une bêtise sans lui… il faisait donc partie lui aussi de ces nuits
Ma grand-mère avait donc trouvé une astuce pour nous garder. Elle nous offrait ces soirs là, la plus belle chambre que l'on puisse rêver : un lit sous les étoiles.
Une fois la nuit bien installée nous montions sur la terrasse de l’immeuble dont ma grand-mère était la gardienne. Cette terrasse n’était accessible qu’avec la clef que possédait ma grand-mère, ce qui nous donnait une relative sécurité pour passer la nuit en hauteur sur ce toit terrasse avec surtout quelques degrés de moins que dans l’appartement et l'impression d'avoir le ciel pour nous.
Nous devions promettre de ne pas faire de bruits lors de ces nuits en altitude. Dans le pays en guerre même sur une terrasse en haut d'un immeuble tout était possible. Nous marchions pieds-nus sur le carrelage qui bien qu'encore chaud des rayons brûlants de la journée, nous semblait frais et mieux évacuer la chaleur que dans l'appartement.
Grand mère installait des couchages de fortune sur la terrasse et l’heure du coucher s’éternisait entre nos murmures et nos rires à moitié étouffés… surtout les nuits de pleine lune.
Oui les nuits de pleine lune, ma grand-mère avait une inquiétude supplémentaire, nous éviter de prendre "un coups de lune" !!
Ses préparatifs commençaient alors en étendant de grands draps sur les fils qui servaient à mettre à sécher le linge des lessives.
Vous comprenez encore mieux pourquoi nous voulions tous rester dormir chez mémé.
La nuit devenait une véritable aventure avec un magnifique ciel étoilé et des draps blancs au dessus de notre couche. Une cabane sans murs qui demandait tout de même du travail à ma mémé pour tout organiser, simplement pour nous garder et nous offrir de si beaux souvenirs.
Le retour du jour et un ardent soleil nous chassait tôt le lendemain matin. Mais nous étions heureux de cette nuit passée avec mémé en ayant échappé aux fameux "coups de lune" !
Heureusement notre mémé nous protégeait des mauvaises influences de la pleine lune.
Elle nous parlait ainsi des mystères de la pleine lune, mélangeant les craintes inspirées par sa clarté sur les êtres fragiles qui peuvent voir leur esprit dériver vers d’étranges chemins, d’où cette idée d’éviter de sortir au cours de ces nuits pour éviter de mauvaises rencontres. Ce risque de rencontrer de telles créatures la nuit nous était de toute façon impossible puisque à la tombée de la nuit toute sortie était interdite…mais certainement pas pour les loups-garous sans doute !!!
Cela n'empêchait nullement notre imaginaire enfantin de jouer à nous faire peur, serrés les uns contre les autres avec d’improbables loups garous cherchant leur proie !
Mais grand-mère nous parlait également des différents bienfaits de cette lune pleine sur la pousse des cheveux, des ongles ainsi que sur les plantes. Sans oublier d’étendre son linge blanc lors de ces nuits lumineuses pour rendre une blancheur éclatante à ses draps.
C'est ainsi que nous nous endormions ces soirs sur la terrasse, convaincus de la force inexplicable de cette lune si mystérieuse qui pouvait jouer à être amie ou ennemie, mais rassurés d’être sous la protection de cette grand-mère qui savait tant de choses sur les secrets de la lune.
❤️ Merci mémé ❤️