Le bûcher des souvenirs
Enfant nous attendions avec impatience la Saint-Jean qui se fêtait joyeusement dans notre quartier.
L’organisation d’un tel évènement occupait de nombreuses personnes et les enfants étaient souvent mis à contribution, soit pour ramener du bois, soit pour des vieux vêtements afin d’habiller celui qui en brulant devait effacer tous les ennuis pour laisser la place au meilleur à venir !
Notre quartier ne s’étalait pas beaucoup mais il comprenait deux cités regroupant quelques immeubles chacune.
Entre la cité du haut et celle du bas s’étalait un terrain nu qui servait tout aussi bien de frontière (!!) qu’à organiser toutes sortes d’activités.
Selon les jeudis, cette esplanade de terre battue devenait terrain de foot entre enfants des deux niveaux : le haut contre le bas !!
Les garçons excellaient en parties de foot qui se terminaient souvent par des huées pour les uns et des cris de victoire pour les autres !
Pour le jeu du ballon prisonnier les parties étaient mixes et gare aux « coups de boulet » de certains envois de ballon. Ce qui décourageait certaines filles d’y participer, contrairement à moi qui était partante pour chaque partie puisque je savais que mon grand frère me désignerait pour entrer dans son équipe.
La majorité des filles préférait tournoyer en formant une ronde en chantant à tue-tête, ou exécuter des sauts à la corde avec parfois des figures qui nous faisaient sortir heureuse gagnante mais d’autres fois avec de douloureuses chutes au cours des sauts sur une jambe, ou en évitant les vagues de la double corde, sans oublier les croisements de cordes, les sauts inversés…. Toutes ces prouesses avaient encore plus d’attraits lorsqu’elles se faisaient sous les regards admiratifs ou goguenards des garçons. Oui, les garçons à cet âge là riaient souvent un peu bêtement en regardant les filles sans trop oser les aborder. Enfin à l’époque dont je vous parle !
C’est donc tout naturellement que ce terrain devenait le lieu idéal pour le feu de la Saint Jean.
Terrain neutre entre les deux cités, assez éloigné des habitations pour ne pas tenter les longues flammes qui pourraient s’envoler au cours de la nuit la plus longue.
Un grand bûcher était dressé au milieu duquel un long mât s’élevait avec à son bout une sorte d’épouvantail.
La nuit venue une grande chaîne humaine se formait alors autour du feu de joie qui s’élevait vers le sommet du mât jusqu’à lécher les pieds du bonhomme de paille. Tous les yeux fixés sur ce pantin qui mangé par le feu se détachait en une multitude de flammèches qui virevoltaient dans les airs sous les cris des participants.
Le caramantran est mort emportant avec lui tous les malheurs et annonçant des jours meilleurs.
Des intrépides attendaient que le feu baisse en intensité pour oser le saut au dessus du bûcher provoquant encore plus de cris de l’assistance.
Doucement le calme revenait en même temps que le feu déclinait pour annoncer après la certitude que tout était bien éteint, la fin de cette nuit de la St-Jean.
Je me souviens de ce dernier feu de St-Jean dans mon quartier un peu comme la fin de beaucoup d’autres fêtes pour des raisons de sécurité. Même si la peur était bien présente, nous apprenions à vivre avec mais celle-ci gagnait un peu plus de terrain et nous devions nous adapter. Pour ces raisons nous avons dû déménager pour nous rapprocher du centre ville avec toujours plus de restrictions… Je n’ai jamais plus vu de feu de la St Jean… Il y a si longtemps et pourtant si présent.
Je pense que la plupart des feux de la St-Jean en Provence ne sont plus en usage aujourd’hui. Petit à petit ils se sont éteints dans l’oubli pour diverses raisons … abandon des coutumes, risques d’incendie, manque de terrain sécurisé, troubles divers qui demanderaient trop de sécurité comme toute manifestation aujourd’hui !
Il y a tout de même dans quelques villages ces feux qui perdurent encore et illuminent les nuits de la Saint-Jean…
Photos personnelles